ORDOS

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Nom désignant à la fois un peuple mongol et la contrée qu’il occupe depuis la fin du XVe siècle: en gros le Hetao (ou Borotoqai en mongol), soit la région comprise dans la grande boucle que dessine le fleuve Jaune au nord de la grande muraille de Chine (des divagations du fleuve Jaune postérieures au XVe siècle ont laissé quelques morceaux du territoire ordos en dehors de son tracé actuel, au nord-est et au nord-ouest), incluse, à l’époque du Guomindang, dans la province du Suiyuan, érigée en 1951 en région autonome, puis incorporée en 1954 à la région autonome de Mongolie-Intérieure en même temps que le Suiyuan. Étendu sur 120 000 km2, à une altitude moyenne de 300 mètres au-dessus du cours du fleuve, le pays, qui géologiquement se rattache à la vieille plate-forme du continent sinien et repose sur les mêmes sous-sols que le nord de la Chine, a reçu des revêtements de sédiments puis de sable identiques à ceux du Gobi. Sauf dans la vallée du fleuve Jaune, l’ensemble du pays est aride et pauvre, coupé de collines ravinées dans le nord, sillonné de dunes est-ouest dans le sud; mais les cuvettes d’eau douce y sont relativement fréquentes, marquées d’une végétation buissonneuse et de pâturages à l’herbe rare, mais nutritive pour le bétail.

Le peuple ordos, jadis réputé pour son ardeur combative, a joué un grand rôle dans les luttes qui ont brassé les ethnies mongoles du XVe siècle au premier quart du XVIIe siècle, et il a été redouté des Ming pour ses razzias dans le limes chinois. Sa zone d’habitat s’étendait alors bien au-delà du Hetao; mais il sera privé, au bénéfice de ses frères de race, successivement de l’Alašan (en 1686) et de l’Edzin-gol (en 1731). Soumis depuis 1635 au souverain mandchou, peu avant la fondation de la dynastie sino-mandchoue des Qing, il perd son indépendance à partir de 1649 et se trouve intégré dans le système des bannières. Organisé d’abord en six bannières (qošigun , ou khoš n en mongol moderne), il en compte sept à partir de 1736. Ces bannières, unies dans la confédération dite du Grand Temple (Yeke-j -yin face="EU Caron" カigulgan) et commandées jusqu’à l’avènement du communisme par des princes de souche gengiskhanide de la postérité de Dayan kh n (souverain descendant de Gengis kh n à la quinzième génération et ayant régné sur les tribus mongoles de 1488 à 1543), s’énumèrent comme suit, en allant du nord au sud: à l’est Dalat, Wang, Jungar (à ne pas confondre avec les Jüngar ou Mongols occidentaux du XVIIe siècle), qui forment l’«aile gauche», et encore à l’est Jasaq, Üšin, puis Khangin et Otoq à l’ouest, qui forment à elles quatre l’«aile droite» (selon l’ancien mode de regroupement politico-militaire par «ailes», fondé sur une orientation face au sud).

Bien que, depuis le XIXe siècle, il soit repoussé de tous côtés par l’avance des colons chinois et que lui-même commence à se consacrer sporadiquement à l’agriculture, le peuple ordos a sauvegardé jusque très avant dans le XXe siècle des traditions perdues dans les autres ethnies mongoles, par exemple le système du servage (relations entre taiji , ou «nobles», et albatu , ou «serfs»), les formes d’élevage traditionnel et les coutumes qui lui sont liées. Son prestige est grand d’avoir été le dépositaire du culte de Gengis kh n. Son nom même, littéralement «les Palais», vient des Huit Tentes Blanches (yourtes-sanctuaires qui sont censées renfermer les restes et les souvenirs de Gengis kh n et de ses épouses principales) qui sont conservées en différents lieux de l’est de l’Ordos, principalement à Ejen-khor 拏. La garde de ces reliques, chères au cœur de tous les Mongols, et la perpétuation du culte sont assurées par une classe spéciale d’individus qui semblent détenir leurs privilèges depuis l’époque gengiskhanide: les Darkhad ou hommes francs, exemptés de toute redevance et de toute incorporation dans les bannières. Traditionnellement au nombre de cinq cents familles, ils sont soumis à la seule autorité d’un jinong . Ce personnage, qui était à l’origine un fils de Dayan kh n destiné à seconder son père dans l’administration du royaume, n’est plus, dans le courant du XVIe siècle, que le chef suprême du culte de Gengis kh n, et, depuis le XIXe siècle, il se confond avec celui des chefs de bannière qui, en vertu d’un système de roulement, assure la direction de la confédération du Grand Temple.

Le peuple ordos s’enorgueillit aussi de gloires littéraires, en particulier de l’historien Sagang-Se face="EU Caron" カen (ou — selon une tradition fautive longtemps accréditée — Sanang-Se face="EU Caron" カen, né en 1604), dont la chronique, l’Erdeni-yin tob face="EU Caron" カi , achevée en 1662, est un des principaux monuments de la littérature classique mongole; son bisaïeul, Qutugtai-Se face="EU Caron" カen-qung-taiji (1540-1586), descendant de Gengis kh n par Dayan kh n à la dix-neuvième génération, a longtemps été, avec Sagang-Se face="EU Caron" カen, l’objet d’un culte spécial en souvenir de la place éminente qu’il avait occupée dans la vie de son époque comme homme de guerre, homme de lettres et protecteur du lamaïsme jaune.

Les Ordos ont encore d’autres titres d’originalité: une communauté sise dans la bannière d’Üšin, celle des Erküt, héritière directe des chrétiens d’Asie centrale de l’époque gengiskhanide, maintient des pratiques religieuses et sociales qui se rattachent au christianisme médiéval. C’est aussi, mais tout à fait indépendamment, le lieu d’action de l’unique communauté catholique moderne en pays mongol, fondée en 1874, à la faveur de la dépopulation consécutive aux grands soulèvements musulmans de 1862-1873, par l’ordre missionnaire belge de Scheut dans l’extrême Sud-Ouest (bannière d’Otoq), à Boro-Balgasun (les autres missions catholiques de Mongolie-Intérieure s’adressent toutes aux colons chinois). Et cette mission a eu la chance d’être dirigée de 1906 à 1925 par un homme exceptionnel, le père Antoine Mostaert (1881-1971) qui, joignant à de grandes qualités humaines de géniales intuitions linguistiques et ethnologiques, a été le plus grand mongolisant de l’époque moderne. Aussi le dialecte ordos (branche méridionale, très conservatrice, du mongol oriental) s’est-il trouvé le mieux connu des parlers mongols, et le répertoire des rites et coutumes du peuple de l’Ordos, un instrument de références classiques des études mongoles.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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